Lorsqu’il s’agit de placer ses économies, tout le monde pense au Livret A. Avec plus de 55 millions de livrets en circulation, l’écrasante majorité des français le privilégie pour placer ses débuts d’économies. Pour autant, le livret A n’est pas un placement autorisé en islam, pour de nombreuses raisons qu’il convient d’expliquer.
Le livret A, épargne privilégiée des français
Qu’est-ce que le livret A ?
Le livret A est un livret d’épargne réglementé par l’Etat. Lorsqu’on parle du livret A, on fait souvent référence à la grande famille des livrets d’épargne grand public :
- Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS)
- Livret d’Epargne Populaire (LEP)
- Plan Epargne Logement (PEL)
- Livret Jeune
Les différences entre ces livrets se trouvent dans leur éligibilité (âge pour le livret jeune, revenus pour le LEP), leur plafond maximal de versement ou encore leur taux d’intérêt. Existant depuis plus de 200 ans, le livret A avait été à l’origine mis en place pour solder la crise financière post guerre napoléoniennes, en étant très incitatifs auprès du peuple pour récolter des capitaux.
Les avantages du Livret A
Les avantages du Livret A sont nombreux pour un épargnant :
- Il s’agit d’un livret A totalement exonéré d’impôt sur les intérêts,
- Lors d’un placement en livret A, on dit que c’est une épargne liquide : en effet, votre argent est immédiatement disponible si vous en avez besoin pour quelconque raison,
- Enfin, selon la conjoncture économique et le type de livret, le taux d’intérêt peut être plus ou moins intéressant. Si l’on prend l’exemple du LEP, accessible sous conditions de revenus, on peut atteindre jusqu’à 6% de taux d’intérêt !
Les inconvénients du livret A
Tout avantage vient avec son inconvénient, et le livret A ne déroge évidemment pas à la règle :
- Pour nuancer mon point précédent, dans la plupart des cas, le livret A offre un rendement faible : avant la crise du COVID, il plafonnait à 0,75 % (source Toutsurmesfinances.com), ce qui ne couvre évidemment pas l’inflation…
- Depuis 2012, le livret A ne peut plus être transféré vers une autre banque, ce qui accentue sa rigidité malgré son aspect très liquide.
- Le livret A est plafonné à 22 950 euros (à l’écriture de cet article), ce qui en fait un placement très limité si l’on est ambitieux, d’autant plus qu’un seul livret A est autorisé par personne (même si vous pouvez combiner Livret A et PEL, par exemple)
Maintenant que nous savons ce qu’est concrètement le livret A, est-il autorisé pour le musulman d’y placer ses économies ?
Le livret A est-il halal ou haram pour le musulman ?
Le livret A est haram pour le musulman…
Les économies du musulman sont régies par les principes de la finance islamique. Si l’on prend les règles de cette dernière, nous allons voir que le livret A n’est pas autorisé en islam :
- Le livret A provoque la perception d’intérêts usuraires (riba)
. En effet, ces intérêts sont gagnés sans effort fourni par l’investisseur, ce qui n’est se rapporte à l’usure et n’est pas autorisé en islam,
- Le livret A ne présente effectivement aucune forme de spéculation et d’incertitude (gharar et mayssir)
, mais cette certitude est problématique car…
- Placer son argent sur un livret A empêche le partage des profits et des pertes
entre les parties prenantes : en effet, les produits à placement garanti, par essence, sont sans risque pour l’investisseur, ce qui n’est pas conforme à l’éthique musulmane,
- Le livret A, même s’il sert au final à financer une partie de la construction des logements sociaux, n’adosse pas directement d’actif tangible à la transaction
(il rembourse également la dette française via des obligations d’Etat, ce qui est intangible et non autorisé)
Au vu de ces différents points, nous pouvons affirmer que le livret A est haram pour le musulman. Mais quelles sont les alternatives aux livrets d’épargne quand on est musulman ?
Quelles alternatives au livret A quand on est musulman ?
Vous l’avez compris, le livret A est haram par sa génération d’intérêts usuraires, son absence de risque et son obscurité dans l’utilisation de l’épargne confiée (souvent intangible). Heureusement, il existe des alternatives pour déposer votre épargne sans percevoir d’intérêts haram, voire même fructifier votre placement.
Mais avant toute chose, il faut déterminer vos besoins vis-à-vis de cet argent :
- Risquez-vous d’en avoir besoin dans un horizon proche ?
- Avez-vous déjà constitué votre matelas de sécurité ?
- Quel est votre objectif avec cet argent ? Un projet à venir, une sécurité pour vos enfants ?
Les réponses à ces questions vont conditionner le support dans lequel vous allez déposer vos économies. Voyons ensemble quels supports sont présents à notre dispositon.
Le second compte courant, une alternative provisoire
Le premier réflexe lorsqu’on clôture un Livret A est de remettre l’argent sur son compte courant, compte principal qui ne génère pas d’intérêts usuraires. Enfin, en apparence !
Les différentes crises traversées l’ont prouvé à maintes reprises : un contexte incertain freinent la majorité des épargnants à investir. Et une fois le Livret A rempli à ras bord, c’est le compte courant qui se remplit en attendant un ciel plus clément. Les banques ont bien cerné le sujet, et si l’utilisation du livret A pour financer le logement social (partiellement) n’est plus à démontrer, l’utilisation de votre argent en compte courant est beaucoup moins connue.
Lorsqu’on pose la question aux banques, elles sont plutôt transparentes sur le sujet : en contrepartie d’un compte courant gratuit, votre argent sert à l’activité courante de la banque, via l’octroi de crédits à taux bas pour ses clients, ou le placement sur des fonds garantis. Si ce constat fonctionnait dans les années 60-70 où l’on fonctionnait en cash/chèque, il est tout autre aujourd’hui : frais de carte bancaire, cotisation trimestrielle, … autrement dit, le deal n’est plus respecté côté banque ! 2 solutions devraient s’offrir à nous :
- Soit on profite du compte courant gratuit (carte également), et effectivement on accepte que notre argent soit utilisé au profit de la banque
- Soit on paye une cositation forfaitaire, et notre argent n’est pas utilisé pour l’exploitation bancaire.
La deuxième option semble bien plus approprié pour une clientèle musulmane, dont le principal critère est la transparence dans le placement pour veiller à la licéité de son argent. Ce qui nous amène aux banques islamiques…
Les banques islamiques, dépôt vertueux pour votre épargne
Le concept des banques islamiques en 3 points :
- Pas de riba sous n’importe quelle forme (agios, intérêts de placement, …)
- Pas de placement de votre argent, et encore moins dans des secteurs illicites
- Un forfait mensuel fixe pour couvrir les services proposés par la banque
La promesse paraît idyllique pour les musulmans, il convient donc de nuancer le propos. Premièrement, qui finance ces banques ? Certaines peuvent être financées par des prêts issus de la Banque Centrale, chargés en intérêts. Si l’on suit notre raisonnement et que votre banque est rongée par les intérêts jusqu’à la moelle… Deuxièmement, sont-elles suffisament grandes et établies pour leur confier votre argent ? Nombeuses sont les néo-banques à être tombées faute de rentabilité, quand bien même une maison-mère injecte des capitaux (Orange Bank tout récemment). Seul le temps pourra confirmer l’attrait du public pour ce nouveau modèle.
Un bon moyen pour apprécier la qualité de la banque est de l’utiliser en compte secondaire pendant un temps, afin de s’assurer de la résilience de la banque dans le temps.
Sunna Capital, Mizen ou prochainement Lina Finance, il faut garder un oeil sur ces projets !
Les investissements halal, solution pour épargner en étant musulman sans livret A
Enfin, une 3ème voie s’offre à nous : laisser le minimum sur votre compte courant, et investir dans des placements halal pour les musulmans ! Cette méthode demande une petite organisation au début, mais permets d’allier le meilleur des mondes, en 3 règles simples :
Ne conservez que le montant des dépenses courantes sur votre compte courant.
Ainsi, il ne reste pas de solde “inutile” sur votre compte courant : l’ensemble de votre capital travaille, pour vous !
Programmez des virements mensuels
A réception de votre revenu, répartissez automatiquement votre budget grâce aux virements automatiques. Ainsi, votre budget d’épargne est automatiquement sorti de votre compte courant, voire même automatiquement investi !
Prenez le temps de sélectionner vos produits, ou confiez à un conseiller cette gestion
Une fois ce budget mensuel mis de côté, il faut bien l’investir ! Si vous avez lu les différents articles, vous bénéficiez d’un panorama des investissements pour le musulman : SCPI, Sukuk, Actions sélectionnées, certains ETF, …
Une fois sa stratégie mise en place, on s’y colle ! Vous pouvez piloter ça par vous-même (en vous formant, on ne se lance pas tête baissée) ou confier ça à un cabinet en gestion de patrimoine. C’est vous qui voyez !